Rechecking

Le journalisme citoyen en veille.

Mort de Jean Pormanove : comment l’Arcom a fait la dĂ©monstration cynique de ses « prioritĂ©s »

Mort de Jean Pormanove : comment l’Arcom a fait la dĂ©monstration cynique de ses « prioritĂ©s »

La Ligue des droits de l’Homme avait alerté le régulateur français depuis février 2025 sur la diffusion des nombreuses violences infligées au streamer récemment décédé. Alors que la réglementation européenne est censée réprimer ce type de contenus, l’Arcom a ignoré ces signalements, sans justification valable. Une défaillance qui interroge sur ses priorités en matière de lutte contre la « haine en ligne ».

Par Amélie Ismaïli

RaphaĂ«l Graven, alias « Jean Pormanove », est dĂ©cĂ©dĂ© le 18 aoĂ»t 2025 lors d’un live-streaming sur Kick. © Instagram / @jeanpormanove

Le gouvernement avait annoncĂ© avoir saisi l’AutoritĂ© de rĂ©gulation de la communication audiovisuelle et numĂ©rique (ARCOM) Ă  la suite de la mort de RaphaĂ«l Graven, alias « Jean Pormanove », filmĂ©e en directe sur la plateforme Kick. Mais cette rĂ©activitĂ© tardive ne trompe personne : le rĂ©gulateur avait dĂ©jĂ  Ă©tĂ© saisi bien avant ce drame, il y a plus de six mois. En effet, des signalements ont Ă©tĂ© faits dès dĂ©cembre 2024, après que Mediapart a rĂ©vĂ©lĂ© les scènes de maltraitance et d’humiliation qui apparaissaient sur la chaĂ®ne du streamer suivie par 173 000 abonnĂ©s.

Violences en live, silence du régulateur

Comme le montrent les vidĂ©os qui circulent sur les rĂ©seaux sociaux depuis son dĂ©cès, le quadragĂ©naire, porteur d’un handicap, Ă©tait la cible de très nombreux sĂ©vices commis par ses co-animateurs du collectif le « Lokal TV » . L’utilisant comme souffre-douleur pour attirer les dons de spectateurs malsains, Jean Pormanove subissait coups, Ă©tranglements, dĂ©charges Ă©lectriques, jets de parpaings ou de vomis, Ă©tait privĂ© de sommeil et forcĂ© d’exĂ©cuter des actions dĂ©nigrantes durant des lives interminables, avec des mises en scènes destinĂ©es le plus souvent Ă  profondĂ©ment l’humilier. ChoquĂ© par ces sĂ©quences insoutenables, un lanceur d’alerte du mĂ©dia citoyen « Actu React » dĂ©cide d’enregistrer ces contenus et de les mettre sur un Google Drive rassemblant plus de 3000 heures de stream.

RelevĂ©s par Mediapart, l’affaire sort sur la place publique Ă  la fin de l’annĂ©e dernière et interpelle la Ligue des droits de l’homme. Celle-ci dĂ©cide alors de saisir le gendarme du numĂ©rique pour tenter de mettre fin Ă  ces dĂ©rives sur la plateforme de streaming. 

Dans son communiquĂ© datant du 28 fĂ©vrier dernier, l’association dĂ©nonçait la diffusion de ces « actes […] pouvant correspondre Ă  des qualifications pĂ©nales », et demandait Ă  l’Arcom d’intervenir, en « sa qualitĂ© de coordinateur chargĂ© de la mise en Ĺ“uvre du Règlement europĂ©en sur les services numĂ©riques (Digital Services Act – DSA) », contre ces contenus manifestement illicites. MalgrĂ© ces alertes, l’autoritĂ© de rĂ©gulation ne semble pas avoir bougĂ© d’un pouce. Une passivitĂ© qui contraste de façon amère avec les engagements affichĂ©es de l’institution, d’habitude si prompte Ă  revendiquer son combat contre « la haine en ligne » ou Ă  s’alarmer contre des contenus qui n’ont, inversement, rien d’illĂ©gal.

Des excuses contredites par le DSA

InterrogĂ©e Ă  l’époque par Mediapart sur cette nĂ©gligence, l’Arcom s’Ă©tait contentĂ©e de rĂ©pondre qu’elle n’était « pas certaine que l’entreprise [Kick] bĂ©nĂ©ficie d’une reprĂ©sentation lĂ©gale au sein de l’UE », sous-entendant qu’elle aurait eu les mains liĂ©s pour faire appliquer la rĂ©glementation europĂ©enne. Une excuse pourtant fausse. Car non seulement le DSA impose aux coordinateurs de s’assurer que les plateformes Ă©trangères diffusant sur leur territoires nationaux ont fait cette dĂ©signation (art. 13-1), mais il est prĂ©vu qu’à dĂ©faut, « tous les Etats membres […] disposent de pouvoirs de surveillance et d’exĂ©cution » (art. 56-7). Ainsi, mĂŞme en l’absence d’un reprĂ©sentant lĂ©gal, l’Arcom disposait de pouvoirs Ă©tendus pour prendre des mesures contre la plateforme Kick. L’article 51 paragraphe 3-b prĂ©cise par ailleurs que dans la cas oĂą des manquements participent « d’une infraction pĂ©nale impliquant une menace pour la vie ou la sĂ©curitĂ© des personnes », le coordinateur peut, en dernier recours, saisir la justice afin « d’ordonner une restriction temporaire de l’accès des destinataires au service concernĂ©, ou […] Ă  l’interface en ligne du fournisseur de services intermĂ©diaires sur laquelle se produit l’infraction ». Difficile de ne pas voir que ces vidĂ©os rentraient spĂ©cifiquement dans ce cadre.

« L’instance aurait dĂ» exiger, en vertu du règlement sur les services numĂ©riques, d’ĂŞtre mise en relation avec un dirigeant de la plateforme et de prendre des mesures en attendant cela, chose qu’elle n’a donc jamais faite. »

 

Jean-Baptiste Marty, journaliste Ă  Europe 1

En d’autres termes, si l’Arcom n’a pas rĂ©agi, c’est bien parce que l’Arcom n’a voulu rien faire. Elle aurait du a minima contacter la plateforme de streaming pour lui rappeler ses obligations — ce qu’elle semble avoir fait… il y a seulement deux jours. En effet, face au levĂ© de bouclier qu’a provoquĂ© le dĂ©cès de Jean Pormanove, l’institution a fini par publier un communiquĂ© dans lequel elle dit s’ĂŞtre informĂ©e « Ă  ce jour » d’un reprĂ©sentant lĂ©gal de Kick Ă©tabli Ă  Malte, et d’avoir transmis au coordinateur maltais la charge d’ouvrir une enquĂŞte en vertu du DSA. Autant de choses qu’elle aurait pu cependant faire des mois avant que ne se produise un tel incident grave. Surtout dès lors qu’une infraction pĂ©nale Ă©tait suspectĂ©e. Ce qui Ă©tait le cas : depuis dĂ©cembre, le parquet de Nice avait ouvert une enquĂŞte pour « violences volontaires en rĂ©union sur personnes vulnĂ©rables (…) et diffusion d’enregistrements d’images relatives Ă  la commission d’infractions d’atteintes volontaires Ă  l’intĂ©gritĂ© de la personne ».

Cette inaction est d’autant plus injustifiable qu’elle a indirectement contribuĂ© Ă  la continuitĂ© du supplice de Jean Pormanove. Le procureur de Nice avait notamment soulignĂ© que les persĂ©cutions dont il Ă©tait victime Ă©taient « parfois encouragĂ©s par des versements d’argent des spectateurs ». Or cette incitation financière Ă  commettre des actes brutaux sur une personne vulnĂ©rable, qui plus est Ă  la santĂ© fragile, constituait une menace Ă©vidente pour la vie du streamer — mĂŞme s’il est encore trop tĂ´t pour dĂ©terminer si ces violences ont eu quelque chose Ă  voir dans son dĂ©cès. Quoi qu’il en soit, le blocage de ces diffusions auraient pu au moins empĂŞcher ses tortionnaires de tirer un avantage certains Ă  la poursuite de son calvaire. La responsabilitĂ© de l’Arcom, sur ce point, mĂ©rite d’ĂŞtre soulevĂ©e. Sur l’Ă©cran du streaming filmant les derniers instants de « JP », une cagnotte affichait la somme de 36 411 euros.

 

Owen Cenazandotti (Ă  droite) et Yacine Sadouni (au centre) sont accusĂ©s d’avoir violentĂ©s « JP » pour attirer les dons sur Kick.

Une défaillance collective

L’Arcom n’est toutefois pas la seule Ă  avoir failli Ă  sa mission. Beaucoup s’interrogent sur le manque de rĂ©action des autoritĂ©s judiciaires alors qu’une instruction Ă©tait ouverte depuis des mois. En janvier, la police avait placĂ© en garde Ă  vue deux des principaux streamers impliquĂ©s dans ces abus, Owen Cenazandotti (surnommĂ© « Naruto ») et Yacine Sadouni (alias « Safine »), lesquels ont nĂ©anmoins Ă©tĂ© relâchĂ©s après 24h. On peine Ă  croire qu’aucune injonction supplĂ©mentaire n’ait Ă©tĂ© prise pour stopper leurs comportements, au vu de l’escalade de violence que prenaient ces vidĂ©os. Sur des images rĂ©centes, RaphaĂ«l Graven semblait particulièrement affaibli, prĂ©sentant d’importantes blessures sur tout le corps et manifestant des signes de dĂ©tresse, si l’on en croit des messages qu’il avait envoyĂ©s Ă  sa mère, dont la lecture en directe Ă©tait l’occasion d’une autre humiliation : « coincĂ© pour un moment avec son jeu de mort (…) j’ai l’impression d’être sĂ©questrĂ© avec ce concept de merde, j’en ai marre, je veux me barrer mais l’autre il veut pas, il me sĂ©questre ». Sur une autre vidĂ©o,  Naruto exigeait que « JP » les dĂ©charge de toute responsabilitĂ© en cas d’arrĂŞt cardiaque, dĂ©clarant que les « gens vont s’en prendre Ă  nous alors que [ta mort] est due Ă  tes 46 ans de vie minables ». Ces propos et agissements odieux sont restĂ©s sous les radars des autoritĂ©s, de mĂŞme que les très nombreux signalements sont restĂ©s sans effet. Dans un live enregistrĂ© quelques heures avant sa mort, RaphaĂ«l Griven a dĂ©clarĂ© vouloir aller Ă  l’hĂ´pital, obtenant pour toutes rĂ©ponses de violentes frappes au visage.

La ministre dĂ©lĂ©guĂ©e chargĂ©e du numĂ©rique, Clara Chappaz, s’était elle aussi illustrĂ©e par sa remarquable indiffĂ©rence Ă  l’époque des premières rĂ©vĂ©lations sur ces mĂ©faits — ce que n’ont pas manquĂ© de lui rappeler les utilisateurs de X. Au lendemain du dĂ©cès de Jean Pormanove, la ministre s’est exprimĂ© sur le rĂ©seau social en qualifiant ce drame « d’une horreur absolue », tout en promettant que la saisie de l’Arcom entraĂ®nera des mesures contre Kick : « la responsabilitĂ© des plateformes en ligne sur la diffusion des contenus illicites n’est pas une option, c’est la loi », concluait son tweet. On se demande bien pourquoi ce sermon ne l’avait pas effleurĂ© huit mois plus tĂ´t. Sous son post, la plupart des commentaires citent l’article de MĂ©diapart qui signalait que ces contenus violents sur Kick Ă©taient alors  « loin d’être une prioritĂ© dans [son] agenda ».

Ce matin encore, la ministre dĂ©lĂ©guĂ©e expliquait sur France Info qu’il ne lui Ă©tait pas possible en tant que membre du gouvernement de « fermer un site » car il n’existerait pas de « bouton rouge« . Ce qui relève, lĂ  aussi, d’un gros mensonge. Il existe de nombreux cas par le passĂ© de blocage de sites internets qui diffusaient des contenus illĂ©gaux, mĂŞme lorsque ces sites Ă©taient hĂ©bergĂ©s Ă  l’Ă©tranger (soit la majoritĂ© du temps). A titre d’exemple, en 2013, le tribunal de grande instance de Paris a ordonnĂ© le blocage de seize plateformes de streaming qui diffusaient des films sans le consentement de leurs auteurs. Il y a deux ans, l’ex-ministre dĂ©lĂ©guĂ© au NumĂ©rique Jean-NoĂ«l Barrot avait saisi la procureure de la RĂ©publique pour des propositions pĂ©docriminelles signalĂ©s sur le site « Ados ». Clara Chappaz bĂ©nĂ©ficiait, de fait, de tout un arsenal juridique pour prendre des mesures contre un hĂ©bergeur qui ne respecterait pas ses obligations au regard de la loi française. Son inaction, tout comme celle de l’Arcom, Ă©tait donc parfaitement volontaire au motif d’un « agenda » diffĂ©rent.

PrioritĂ© Ă  la censure « d’opinions »

En réalité, la ministre semblait alors bien plus préoccupée par les « opinions » diffusées sur X ou par l’arrêt du programme de fact-checking par Meta. Une position reflétée dans les pratiques de l’Arcom, qui a l’avantage de mettre en exergue les véritables « priorités » visées par le gouvernement derrière l’application du DSA. Les nombreux journalistes citoyens qui se sont vus supprimer leurs chaînes sur Twitch (à l’instar de nos confrères du Monde Moderne), bloquer leurs comptes sur Twitter (avant le rachat d’Elon Musk) ou avoir leurs contenus invisibilisés pour de faux prétextes de « désinformation » ne peuvent qu’en témoigner. Les directeurs de ces grandes plateformes ne s’en cachent d’ailleurs nullement. En juin dernier, devant la Commission d’enquête sur « les effets psychologiques de Tik Tok » à l’Assemblée Nationale, le responsable des affaires publiques de Youtube France avait déclaré qu’ils n’hésitaient pas à « réduire la visibilité [des] contenus qui ne franchissent ni la ligne de la loi française ni les conditions d’utilisations ».

 

« Nous devons mettre en place des outils qui vont permettre de nous assurer que les opinions, qui seraient de fausses opinions, peuvent être sorties de la plateforme. »

Clara Chappaz, Ministre déléguée chargée du numérique, en janvier 2025.

 

Notons que les véritables motifs de cette commission d’enquête étaient tout aussi transparents : elle faisait suite à une longue offensive de l’Arcom contre la prétendue « désinformation » sur TikTok. La rapporteure macroniste de cette commission témoignait de surcroît vouloir faire en sorte que les plateformes se montrent « plus vertueuses que le droit » en les incitant à censurer des « propos légaux ». Voilà qui a le mérite d’être clair. Quant aux « effets psychologiques » des contenus violents qui enfreignent ouvertement la loi, ce n’est tout simplement pas dans les « priorités »…

Le parallèle entre leur désintérêt pour les souffrances vécues par Jean Pormanove, et leur obsession pour faire taire des voix dissidentes, avec de faux préceptes moraux (« haine en ligne ») ou des concepts creux (« désinformation », « complotisme », ect) visant à flouter leur caractère légal, montre une fois de plus le cynisme de nos autorités. Mais cette affaire aura surtout permis de jeter une lumière crue sur leur hypocrisie : les contenus réellement préjudiciables peuvent circuler pendant des mois, voire des années, en toute impunité.

Ce constat n’est pas nouveau pour ceux qui s’intĂ©ressent aux logiques appliquĂ©es par ces politiques de censure. Lors de l’affaire du fonds Marianne, le gouvernement avait dĂ©jĂ  montrĂ© qu’il Ă©tait tout Ă  fait capable d’exploiter des crimes liĂ©s au harcèlement en ligne pour financer des intermĂ©diaires chargĂ©s de produire une propagande favorable au prĂ©sident ou nuire Ă  ses opposants. On peut malheureusement craindre que la mort de Jean Pormanove soit de mĂŞme instrumentalisĂ©e pour intĂ©grer ce narratif. Hier, le dĂ©putĂ© socialiste Arthur Delaporte dĂ©plorait cet Ă©vènement terrible comme la preuve que « l’Arcom n’a Ă©videmment pas les moyens d’appliquer sa mission de contrĂ´le et de sanction ». S’agirait-il d’abord qu’elle priorise un peu moins la censure de contenus lĂ©gaux….

Oui, Macron a bien Ă©tĂ© Ă©cartĂ© de la rencontre entre Trump et Zelensky au Vatican… malgrĂ© ce que dit l’ElysĂ©e.

Oui, Macron a bien Ă©tĂ© Ă©cartĂ© de la rencontre entre Trump et Zelensky au Vatican… malgrĂ© ce que dit l’ElysĂ©e.

Lors des obsèques du pape François ce samedi 26 avril, une entrevue filmée entre Macron, Trump, et Zelensky suscite de nombreuses spéculations. Le Président se serait-il pris un revers après avoir voulu s’inviter dans une rencontre de grande importance pour les négociations vers la paix en Ukraine ? Si l’Elysée tente de démentir l’affaire, ses justifications maladroites ne tiennent pas.

C’est une photo qui prend des allures de communication ratée. On y voit Emmanuel Macron tenant par l’épaule le président ukrainien Volodymyr Zelensky, lui-même aux côtés du président des États-Unis, Donald Trump, et du Premier ministre du Royaume-Uni, Keir Starmer, lors d’une rencontre en marge des funérailles du pape François à la basilique Saint-Pierre du Vatican. Publiée sur le compte X de l’Élysée sous la légende « Pour la paix », l’image se veut immortaliser ces dirigeants du monde libre réunis ensemble pour tenter de résoudre un conflit qui menace depuis trois ans de tourner à la Troisième Guerre mondiale. La photo met particulièrement à l’honneur Emmanuel Macron, lequel semble dominer physiquement ses partenaires comme pour accentuer son rôle présumé de grande importance dans cette avancée vers une solution de paix.

Pourquoi cette photo est-elle trompeuse ?

Une vidĂ©o de la sĂ©quence rĂ©vèle pourtant une tout autre histoire. En rĂ©alitĂ©, il semble qu’Emmanuel Macron ait voulu s’inviter Ă  une rencontre prĂ©vue entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky, Ă  laquelle il n’était manifestement pas conviĂ©. En effet, dans ce court extrait oĂą l’on voit le prĂ©sident s’avancer pour rejoindre ses homologues, Donald Trump donne l’impression de s’interposer pour lui demander de rester Ă  l’écart. En consĂ©quence, une troisième chaise qui Ă©tait initialement placĂ©e sur le lieu de la rĂ©union est aussitĂ´t retirĂ©e. Par la suite, les prĂ©sidents ukrainien et amĂ©ricain s’entretiendront seuls en l’absence de Macron… et de la chaise qui lui Ă©tait possiblement destinĂ©e.

Cette vidéo contredit donc directement la publication de l’Élysée qui suggérait la participation active d’Emmanuel Macron à cette rencontre historique. La scène en entier montre au contraire que sa présence n’était visiblement pas la bienvenue.

Un récit macroniste difficilement crédible

Si certains utilisateurs sur X n’ont pas manqué de critiquer la publication trompeuse à l’appui de cette vidéo, de fervents soutiens au président ont tenu à combattre ce qu’ils jugent être une mauvaise interprétation. À les en croire, Emmanuel Macron était simplement venu encourager cet entretien entre « Américains et Ukrainiens » qu’il aurait lui-même contribué à organiser avec le Premier ministre britannique, ne souhaitant nullement s’imposer comme un « troisième homme ». « C’est totalement faux », nous assure un proche du président dans Ouest-France, « on voit d’ailleurs bien sur la vidéo qu’il ne cherche pas à rester ». Quant à la troisième chaise retirée de la réunion, elle aurait été prévue pour un traducteur dont se seraient finalement passé Donald Trump et Volodymyr Zelensky.

Réfutation : ces explications paraissent bien peu crédibles à la lumière de la scène telle qu’elle a été filmée. On voit clairement que Donald Trump et Volodymyr Zelensky s’apprêtaient tout juste à s’asseoir lorsqu’ils furent interrompus par Emmanuel Macron survenant les saluer pour rejoindre la discussion à son tour. Loin de répondre réciproquement à l’accueil chaleureux du président français, Donald Trump effectue alors un geste explicite de la main droite comme pour lui faire «barrage», et lui adresse quelques mots (inaudibles) dans un hochement de tête qui semble traduire un refus. Si l’intention de Macron n’était pas de rester, on imagine mal pourquoi Trump aurait eu un tel geste envers le représentant d’un pays allié venu simplement « l’encourager ».

Par ailleurs, l’idée que la troisième chaise aurait été prévue pour un éventuel traducteur ne paraît pas davantage fondée : non seulement Volodymyr Zelensky, qui parle couramment l’anglais, n’y a jamais eu recours lors de ses précédentes rencontres avec le président américain ; mais de plus, la chaise avait été positionnée à égale distance des deux autres, au centre de la réunion, ce qui serait tout à fait inhabituel pour un traducteur. En général, ces assistants se placent légèrement en retrait de l’un ou l’autre chef d’État de façon à préserver un minimum de discrétion sur la tenue de la conversation. La position de cette chaise impliquerait plutôt une place réservée à un interlocuteur d’une hiérarchie équivalente aux autres acteurs de cette rencontre – autrement dit, une place qui aurait été tout à fait justifiée dans le cas d’Emmanuel Macron.

« Tu ne devrais pas être là. »

Bien que des fact-checkers prétendent qu’il serait « impossible de savoir ce que les trois présidents se sont dits lors de ce rapide échange », évitant ainsi de contrarier l’Élysée, la presse anglo-saxonne contribua inversement à enfoncer le clou. Au lendemain de l’épisode, le journal britannique The Sun publie le témoignage de Nicola Hickling, une experte anglaise de la lecture sur les lèvres, qui affirme avoir décrypté les mots prononcés par Donald Trump dans cette scène. Selon elle, le président américain se serait adressé à Macron en ces termes : « Tu n’es pas en position de force ici, j’ai besoin que tu me rendes un service, tu ne devrais pas être là. » Malgré toutes les réserves que cette interprétation impose en l’absence d’une bande-son, cette version corrobore le langage corporel de Trump, qui traduit de manière transparente une volonté de bloquer cette intrusion opportune. Autre élément relevé par la lectrice labiale : l’un des ecclésiastiques qui entourait les trois hommes se déplaça subtilement devant la caméra, comme s’il avait voulu cacher un échange qui devenait gênant…

L’échec d’une manipulation

Ainsi, la photographie diffusĂ©e par l’ÉlysĂ©e — capturĂ©e de toute Ă©vidence après la rĂ©union entre Zelensky et Trump — figure une tentative grossière de réécrire la scène pour camoufler ce revers humiliant subi par Emmanuel Macron. Comble de la supercherie : la photo fut prise de sorte Ă  faire paraĂ®tre le prĂ©sident d’une taille bien plus grande qu’il ne l’est en rĂ©alitĂ©, donnant l’illusion qu’il dĂ©passerait Donald Trump alors que, dans les faits, il mesure 17 cm de moins que le chef d’Etat amĂ©ricain (1).

La manipulation est d’autant moins subtile que l’Élysée s’attache depuis à défendre coûte que coûte ce scénario invraisemblable d’une « réussite diplomatique ». Deux jours après l’épisode, Paris Match publie l’interview d’Emmanuel Macron qui s’attribue dans un « nous » le mérite de ce « face-à-face historique » entre Trump et Zelensky : « Nous avons réussi, grâce à cet entretien au Vatican, à remettre la pression sur la Russie », déclare-t-il en titre de cet article qui assure que le président aurait « œuvré pour que cette rencontre ait lieu ». Dans d’autres tribunes, on loue son rôle supposé de «protecteur» du président ukrainien visant à empêcher l’homme fort de Washington de lui « forcer la main » pour établir des compromis avec la Russie — ce qui, dans l’esprit de la plupart de nos journalistes encartés, reviendrait à se soumettre à Hitler. Blanchi par sa volonté de protéger la nation contre un ennemi qui projette d’envahir l’Europe selon la doxa, Emmanuel Macron semble encore profiter des effets anxiogènes de son nouveau « Nous sommes en guerre », prononcé il y a deux mois. Un discours suffisamment persuasif pour inciter nos grands médias à étouffer toute information qui pourrait nuire à son crédit sur la scène internationale.

Le fait d’avoir été écarté par son « allié » d’une réunion majeure dont il espérait opportunément s’attribuer le succès ne trouvera quasiment aucun écho sauf sous peine d’être taxé de « fausses informations ». En témoigne le traitement réservé à Vincent Hervouët qui, sur le plateau de CNews, fit l’affront d’évoquer la lecture des propos présumés de Donald Trump rapportés dans The Sun. « Vous n’y étiez pas ! C’est totalement faux », répliqua l’Élysée sur le réseau X contre l’éditorialiste, ajoutant que «Beaucoup de fausses informations circulent. C’est indécent car ce qui se joue, ce sont des vies et notre sécurité collective ». Plus que « nos vies » et notre « sécurité collective », se joue surtout l’orgueil d’un président qui accumule les revers diplomatiques et peine à masquer ses efforts parfois grotesques pour redorer son image. Pas facile de conserver l’aura d’un « chef de guerre » quand on s’est fait surprendre à truquer ses photos pour grossir ses biceps…

 

 

(1) Emmanuel Macron mesurerait environ 1,73 m, tandis que Donald Trump mesure lui 1,90 m. (Source : taille Macron / taille Trump)

La Rédaction

Alain Weill et deux journalistes de l’Express sont mis en examen pour diffamation

Alain Weill et deux journalistes de l’Express sont mis en examen pour diffamation

Après une série d’articles particulièrement à charge, l’essayiste Idriss Aberkane avait déposé trois plaintes contre le patron de l’Express et les journalistes Victor Garcia et Alix L’Hospital. Ces derniers ont été officiellement mis en examen pour les chefs de diffamation publique, selon nos informations confirmées par le Parquet de Paris. 

 

C’est la deuxième fois qu’Alain Weill est poursuivi en justice pour des fausses rumeurs colportées dans l’hebdomadaire qu’il dirige. En mars 2021, le Tribunal de Paris l’avait déjà condamné pour diffamation publique assortie d’une obligation de verser 1000 euros à Abdelaziz Hamida, maire de Goussainville, deux ans après que l’Express eut relayé le mensonge que le franco-marocain était « fiché S ». Blanchie par la presse subventionnée comme une nouvelle certifiée, la fake news aux relents racistes avait été largement relayée dans les médias français, au contraire de cette condamnation qui est passée sous silence, n’apparaissant évidemment pas sur la page Wikipedia du condamné. Malgré des sociétés sous asphyxie financière (qui n’empêche pas ses rémunérations faramineuses), les soupçons d’évasion fiscale ou les procès de ses ex-employés, Alain Weill est de ces hommes d’affaire qui investissent dans les médias à la faveur d’une couverture toujours bienveillante, voire victimaire. Cette mise en examen ouvre la possibilité de venir ajouter une autre ligne au tableau de ses préjudices en coulisse.

 

 

Parmi les griefs à l’origine de la plainte déclenchant cette procédure figure notamment un article publié en juillet 2022 dans lequel Victor Garcia et Alix L’Hospital multiplient les allégations contre Idriss Aberkane, l’accusant, toujours dans des termes vagues mais accablants, d’avoir « surgonflé » son CV, de mentir sur ses expériences en recherche scientifique et de manipuler son public tel un « gourou » des « sphères complotistes et antivax » sur fond d’une carrière supposément remplie de « déboires financiers ». Un brûlot cochant tous les éléments de langage qu’avaient cependant anticipé le conférencier, prenant soin de filmer et de diffuser publiquement l’entretien avec les deux journalistes alors qu’ils l’interrogeaient pour préparer leur article. Le stratagème n’a pas du tout été apprécié par Victor Garcia et Alix L’Hospital qui se montrent en grande difficulté dans cette vidéo, leurs questions très orientées se heurtant systématiquement à l’éloquence maîtrisée de leur interlocuteur. Après une tentative de censure par mise en demeure, France Soir avait décidé de republier la scène sous le titre de « l’ExpressGate ».

 

Le Character assassination en concept publicitaire

L’Express n’en Ă©tait pas Ă  sa première attaque contre l’auteur de LibĂ©rez votre cerveau, lequel avait, Ă  l’époque de sa publication, bĂ©nĂ©ficiĂ© de certaines louanges dans la presse au grand damn des sphères scientistes. Dès 2016, l’hebdomadaire d’Alain Weill reprend les ragots des rĂ©seaux zĂ©tĂ©ticiens persuadĂ©s que le triple doctorant se serait fabriquĂ© un curriculum « dopé » (1). Bien que l’incriminĂ© ait publiĂ© sur son site internet l’ensemble de ses diplĂ´mes qui attestent de son parcours, comprenant les preuves de ses doctorats (en Neuroergonomie, LittĂ©rature comparĂ©e, et Relations Internationales), les relevĂ©s de son master Ă  l’Ecole Normale SupĂ©rieure, ses attestations comme chercheur invitĂ© Ă  Stanford, ses certificats comme professeur Ă  Centrale SupĂ©lec ou encore les registres de ses sociĂ©tĂ©s et fondations – chaque Ă©lĂ©ment matĂ©riel continue d’être proprement ignorĂ© dans un but transparent. En 2022 et 2023, surfant sur la vague de character assassination contre ceux qui contestaient l’efficacitĂ© des mesures sanitaires (tout en prĂ´nant la vaccination des enfants en dehors de tout consensus mĂ©dical), l’Express redouble de tribunes corrosives sur Idriss Aberkane, jusqu’à en faire un argument de vente pour des abonnements papiers et numĂ©riques, via des sponsorisations sur Facebook ou des podcasts en sĂ©rie. Ironiquement, une publicitĂ© du magazine s’est retrouvĂ©e rĂ©cemment sur la chaĂ®ne Youtube de l’essayiste qui culmine dĂ©sormais Ă  plus d’1 million d’abonnĂ©s. Il faut dire que ce succès a de quoi faire pâlir une rĂ©daction rĂ©duite Ă  peau de chagrin pour cause de plans sociaux successifs…

Selon les reproches formulĂ©es par les avocats du plaignant, les journalistes de l’Express auraient composĂ© leur article essentiellement Ă  partir d’allĂ©gations infondĂ©es voire fausses, de « propos biaisĂ©s » et de « raccourcis grossiers », susceptibles de caractĂ©riser une volontĂ© de nuire. Le rĂ©cĂ©pissĂ© de la plainte invoque que Victor Garcia et Alix L’Hospital se sont appuyĂ©s, pour seules et uniques « preuves », sur le tĂ©moignage de « pseudo-spĂ©cialistes » choisis pour leurs positions notoirement opposĂ©es Ă  celles du confĂ©rencier, et des compĂ©tences qui font dĂ©faut sur les sujets critiquĂ©s. On y retrouve d’ailleurs l’opinion d’un certains Thomas Durand qui voue depuis des annĂ©es une obsession manifeste envers Idriss Aberkane, devenu une sorte de « vache Ă  lait » de sa chaĂ®ne Youtube pour s’accaparer des vues. Victor Garcia avait dĂ©jĂ  louĂ© le zĂ©tĂ©ticien-en-chef dans un prĂ©cĂ©dent article le prĂ©sentant faussement comme « prĂ©sident de l’association ASTEC » – ce qu’il n’est pas censĂ© ĂŞtre, au risque d’avoir quelques petits problèmes avec l’administration fiscale en s’auto-rĂ©munĂ©rant avec la trĂ©sorerie (2)… Le magazine rebaptisĂ© « l’Ex-presse » par ses anciens salariĂ©s n’est dĂ©cidĂ©ment plus Ă  un mensonge près. Mais Ă  quoi s’attendre d’autre venant d’un journal qui juge que la Charte de Munich n’est qu’un « totem complotiste » ?

Quoi qu’il en soit, ce ne serait pas la première fois que des journalistes de l’Express manqueraient gravement Ă  leur dĂ©ontologie pour nuire Ă  une personnalitĂ© qui dĂ©nonce les – vrais – dĂ©boires financiers de leur directeur.  À la justice de se prononcer une nouvelle fois sur la nature douteuse de leurs mĂ©thodes.

 

La Rédaction

_

(1) L’Express, 2 novembre 2016.

(2) l’ASTEC étant une association loi 1901 dite « à but non-lucratif », le président ne peut être rémunéré au-dessus de la limité tolérée des 3/4 du SMIC, sous peine d’être redevable des impôts commerciaux. (Source : service-public.fr)